« Le vélo a évolué « : dix ans de passion locale avec Radio Peloton
Depuis plus d’une décennie, Radio Peloton tisse le fil d’une aventure humaine et éditoriale autour du cyclisme en Île-de-France. Né d’un amour sincère pour le sport et ses acteurs de l’ombre, ce média indépendant revient sur son parcours, ses doutes et ses espoirs.
Un projet né d’un simple coup de pédale. « Le temps passe vite », sourit l’un des fondateurs de Radio Peloton, en évoquant la naissance du site en 2015. À l’origine, une envie simple : parler de vélo localement, en région parisienne, avec une approche généraliste et inclusive. Dix ans plus tard, si la ligne éditoriale reste fidèle à ses débuts — couvrir toutes les pratiques cyclistes et tous les pratiquants, le périmètre s’est élargi aux régions voisines (avec des crochets plus hexagonaux et ultramarins), mais toujours avec la même ferveur bénévole.
Le sport amateur : une richesse mal exploitée ?
Interrogé sur la place du sport amateur dans le paysage médiatique français, le ton se fait plus grave : « On espérait une vague d’intérêt autour du sport après les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Le soufflé est (très) vite retombé » Radio Peloton dénonce la précarité du tissu sportif français, fragilisé par des contraintes économiques et un manque de reconnaissance. « Le sport, c’est un ciment social, un espace de transmission, de plaisir dans des quotidiens pas toujours roses et de liens. Nous y croyons dur comme fer ».
Donner la parole à ceux qu’on n’entend plus
Depuis ses débuts, le média s’est attaché à faire entendre la voix des bénévoles, des clubs et des petites courses souvent oubliées des grands canaux d’information. Mais, reconnaît-on, le pari n’est pas totalement gagné : « Avec Radio Peloton, nous sommes bénévoles, passionnés, mais nous ne pouvons pas tout couvrir ».
Un vélo en mutation : ville, écologie, sport-santé…
Alors que les usages du vélo explosent en ville et que de nouvelles thématiques émergent (écologie, sport-santé, mobilité), Radio Peloton se montre prudent : « Ce sont des sujets que nous aimerions explorer davantage. Peut-être après 2025, si l’aventure Radio Peloton se poursuit. » Pour l’instant, la priorité reste de valoriser la pratique sportive pure, dans toutes ses dimensions.
À contre-courant des formats courts ?
• À l’heure des réseaux sociaux et de la viralité, le média fait le choix de la lenteur et de la proximité. « Nous restons sur Facebook et notre site. D’autres formats sont envisagés, comme le podcast ou la vidéo, mais cela demande des moyens et du temps» .Pour Radio Peloton, pas question de courir après les tendances si cela doit se faire au détriment de l’authenticité.
Un média humaniste avant tout
• Dans un paysage saturé d’infos et de contenus instantanés, Radio Peloton revendique une approche différente : « Nous sommes un média humaniste et populiste, dans le bon sens du terme. Ce qui nous importe, c’est le terrain, l’humain, le lien social. » Le projet s’inscrit dans une logique de proximité, ouverte aux critiques comme aux encouragements.
Une indépendance assumée
• L’autofinancement est à la fois un choix et une contrainte. « On fait avec les moyens du bord. On reste lucides sur nos forces et nos limites en proposant un contenu sincère, engagé, au service de tous les passionnés. »
Un rôle social à ne pas négliger
• Plus qu’un média sportif, Radio Peloton revendique un rôle social local. « On le voit bien : les médias locaux comptent. Ils sont utiles aux collectivités, aux clubs, aux associations. » Et l’équipe, souvent engagée aussi dans la presse quotidienne régionale, mesure la défiance qui pèse sur les médias. « Le local, c’est ce qui reste quand tout le reste s’efface surtout quand l’actualité nationale est morose. »
Une transmission à cœur ouvert
• Former des jeunes, conserver la mémoire locale, documenter les récits oubliés : Radio Peloton a déjà amorcé ce virage. « On a accueilli de nombreux rédacteurs passionnés. Le vélo, c’est une histoire de transmission, et on a tendance à l’oublier dans cette société instantanée. »
Podcast, chronique, vidéo… demain peut-être
• Le format chronique est une marque de fabrique. Une déclinaison en podcast ou en vidéo ? « L’idée fait son chemin. Mais il y a beaucoup de questions à se poser : est-ce que le public suivra ? Avons-nous la logistique ? » Pour l’instant, priorité au présent et aux fondamentaux.
Et dans cinq ans ?
• L’avenir ? Il est incertain avec la même épée de Damoclès au-dessus de nombreuses compétitions ou associations sportives. « Des courses disparaissent, faute de moyens ou d’envie politique. La compétition devient inaccessible pour certains jeunes. On espère que les disciplines émergentes, trop longtemps ignorées, prendront leur envol. » L’équipe garde pourtant foi dans un vélo populaire, fédérateur, humain.
Rêver encore
• Le rêve ultime ? « Que les gens prennent toujours autant de plaisir à nous lire. Une coopérative de médias, pourquoi pas ? ». Pour Radio Peloton, ce qui compte, c’est l’enthousiasme, l’envie de partager, et la joie simple de vivre son sport à fond, peu importe le niveau du pratiquant.
Le vélo, miroir de la société
• Radio Peloton n’élude pas les tensions : individualisme grandissant, clubs fragmentés, opposition de certains commerçants à l’organisation de courses… « Le vélo évolue, et parfois pas dans le bon sens. Mais certaines structures tiennent bon et perpétuent une forme d’esprit d’antan. C’est cet esprit que nous voulons continuer à faire vivre dans la convivialité et bonne humeur ».
Cyclisme et amour : même moteur ?
• Et si passion et amour étaient les deux faces d’une même médaille ? « Peut-être que la passion, c’est déjà une forme d’amour. L’amour de son sport, des autres, de la transmission. La passion est un formidable point de départ. »
Propos recueillis par Victor Grezaud.